Roza Eskenazi ,vie réelle,vie rêvée.
Roy Sher,un jeune cinéaste israélien,tombé comme moi, par hasard dans la marmite du rébètiko, vient de faire un film, mi-documentaire,mi-fiction sur Roza Eskenazi,la grande chanteuse de smyrneïko et de rébètiko;le titre du film My Sweet Canary (Kanarit Metuka Sheli)est emprunté au titre d’une chanson que Roza ,dans ses mémoires, dit avoir écrite et qui fut un de ses plus grands succès :
Καναρίνι μου γλυκό
Καναρίνι μου γλυκό
συ μου πήρες το μυαλό,
το πρωί που με ξυπνάς
όταν γλυκοκελαηδας.
Έλα κοντά μου στην αγκαλιά μου
αχ ένα βράδυ στη κάμαρα μου.
Έλα κοντά μου στην αγκαλιά μου
να σε χορτάσω με τα φιλιά μου.
Αχ βρε ζηλιάρικο πουλί
συ θα με τρελάνεις,
με την γλυκιά σου τη λαλιά
σκλάβο σου θα με κάνεις.
Έλα κοντά μου στην αγκαλιά μου
αχ ένα βράδυ στη κάμαρα μου.
Έλα κοντά μου στην αγκαλιά μου
να σε χορτάσω με τα φιλιά μου.
Mon doux canari
Mon doux canari
Tu mes prends la tête
Le matin tu me réveilles
Quand tu vocalises doucement.
Viens près de moi dans mes bras
Ah ! un soir dans ma chambre
Viens près de moi dans mes bras
Que je te combles de baisers.
Ah! Cher oiseau jaloux
Toi tu me rendras fou
Avec tes doux gazouillis
Tu feras de moi ton esclave.
Viens près de moi dans mes bras
Ah !un soir dans ma chambre
Viens près de moi dans mes bras
Que je te comble de baisers.
Roy Sher s’est passionné pour l’histoire de Roza.Son caractère l’a intrigué car elle paraissait faible et possédait en même temps une énorme force intérieure; un modèle de femme comme on n’en trouve plus, dans une société patriarcale et un monde typiquement masculin l’archétype de la rébètissa cette femme qui fait tout comme les hommes tout en gardant son quant -à -soi et sa féminité extrême.
Le cinéaste a entrepris de fouiller dans la biographie de Roza ce qui constituait une tâche des plus ardues. Roza elle-même s’étant ingéniée à brouiller les pistes et à ne se souvenir que de ce dont elle voulait bien se souvenir, comme dans ce petit livre paru deux ans après sa mort en 1982 sous le titre: Ce dont je me souviens( Αυτά που θυμάμαι, Κάκτος, Αθήνα 1982)
Un livre constitué de témoignages, de photos, d’une longue interview de 1972, et du récit de sa vie, le tout rassemblé par Kostas Hadzidoulis et paru deux ans après la mort de la chanteuse.
Toute la difficulté vient de sa volonté de se rajeunir de vingt ans. Ce décalage induit alors deux vies de Roza celle qu’elle s’est bricolée, avec sa propre chronologie et la véritable. Car si Roza prétend, avoir vu le jour en 1910, sans toutefois en être très sûre,d’après sa belle fille Elvira qui vient de témoigner récemment il n’y a jamais eu de doute sur son âge : elle est née de manière certaine en 1890. D’autre part si Paraschos son fils a vu le jour comme elle le laisse entendre après 1930, il ne peut s’être marié en 1942 et avoir pris à cette même époque un restaurant avec sa mère. Roza dit aussi avoir travaillé à Thessalonique, chez Pik-Nik et à la Poire d’or (Chrisson Apidion) et on se demande alors à quel moment, puisque ses parents lui avaient interdit de continuer à se produire dès ses débuts au Grand Hotel et qu’ensuite elle est partie à Athènes. Elle ne dit pas pourquoi, ni quand elle a changé de nom et de prénom, pourquoi Sarah Skinazi est devenue Roza Eskenazi.
Roza Eskenazi,de son vrai nom Sarah Skinazi est née à Constantinople ,dans une famille juive sépharade. Elle a deux frères (Nissim, l'ainé, et Sami ) et une sœur, qui mourront tous avant elle. Son père Avram s'occupe d'un garde meuble.
A l'âge de sept ans, elle quitte sa ville natale avec sa famille pour Thessalonique. Ils y louent un petit meublé et pendant que ses parents Avram et Vida(devenue Flora lors de son entrée en Grèce) travaillent dans une manufacture de coton, Sarah est gardée par une jeune voisine instruite qui a improvisé une petite école afin que les enfants ne traînent pas dans les rues. Ainsi elle apprend à lire et à écrire. Elle ne fréquentera jamais une autre école.
Madama Skinazi ayant trouvé du travail comme domestique dans une famille riche de Komotini, Sarah, son frère et sa mère s’en vont vivre là-bas quelque temps tandis que le père reste travailler à Thessalonique.
Dans la petite maison qu’ils ont louée Sarah chante pendant quelle aide aux tâches ménagères. Un jour, le propriétaire d'un club turc local passe avec des amis sous sa fenêtre et l’entend chanter. Fasciné par sa voix il tape à la porte pour inviter celle qui chante à se produire dans la boite dont il est propriétaire. La mère de Sarah prend peur et repousse hors de chez elle ces hommes inconnus, scandalisée à l’idée que sa fille ou tout membre de sa famille se produise comme chanteuse de cabaret .A cette époque il n’y avait pas beaucoup de boites et y chanter était considéré comme honteux; Celles qui le faisaient partaient loin de leurs familles pour que des gens de leur connaissance ne le sachent pas. Ne voulant pas contrarier sa mère davantage, Sarah ne dit mot mais plusieurs années après cet incident, cet épisode demeurait gravé dans sa mémoire comme un tournant dans sa vie. C'est ce jour là en effet qu'elle avait décidé de devenir chanteuse.
De retour à Salonique nous sommes en 1912 la famille habite dans la même maison que des danseuses arméniennes qui se produisent au Grand Hôtel. Un jour, elles demandent à Sarah de les aider à porter leur baluchon jusqu'à leur lieu de travail;à cette idée Sarah saute de joie car elle va pouvoir enfin découvrir le monde du spectacle et conforter son rêve de devenir artiste. Elle ne se lasse pas de les voir danser avec leurs beaux habits luxueux .Rentrée chez elle , elle passe de longs moments devant sa glace à se déguiser et recopie la façon de faire des danseuses, elle prend des poses, fait des mines et esquisse de gracieux mouvements, mais surtout mémorise quelques chansons pour se constituer un petit répertoire, tant et si bien que quelques temps après elle va auditionner en cachette et se fait engager au théâtre. Lorsque sa mère l'apprend, elle est furieuse. Elle lui donne une bonne raclée et lui dit : « Non, non, tu ne deviendras ni danseuse ni chanteuse. Et j'irais m'en prendre à ces filles qui travaillent au théâtre et t'ont tourné la tête ! » Son père aussi s’en mêle. Ainsi Sarah doit stopper sa jeune carrière tout net, dès ses débuts. Mais la passion pour les « planches » reste intacte. Le destin qui veille prendra alors la forme d’une sœur de sa mère, une tante riche et compatissante qui habite Athènes. Elle n'a pas d'enfant et décide « d'adopter » Sarah. Toute la famille part ainsi habiter dans la capitale où Avram, le père, prend une petite boutique de change. Sarah est alors engagée comme danseuse, dans une troupe arménienne au Pirée dirigée par Saramous et Zabel mais très vite, parce qu'elle a une très belle voix on lui demande de chanter. C'est à cette période qu'elle change de prénom, sans doute pour échapper au joug familial. Peut être aussi parce que Sarah qui est une jeune femme libre a une liaison (elle, dit qu’elle s’est mariée) avec un acteur célèbre originaire de Cesarée de Cappadoce ,Iannis Zardinidis, un homme très instruit et beaucoup plus âgé qu’elle qui meurt peu après d’un excès de boisson en la laissant enceinte .La famille de Iannis est une famille de notables, un des parents est membre du Parlement.Ils sont gênés que leur fils se soit compromis avec une fille de mauvaise vie à leurs yeux, et qu' un enfant puisse naitre de cette union honteuse pour eux, ils la chassent. Roza, ne peut continuer sa carrière et s’occuper de son fils Paraschos .Elle le confie alors dès sa naissance à l’orphelinat St Archange à Xanthe. Peu de temps après une des sœurs de Iannis ayant décidé de donner à cet enfant une éducation digne de sa famille paternelle le fait sortir de l'orphelinat. Paraschos deviendra officier dans l’armée de l'air. Devenu adulte Paraschos retrouvera sa mère avec qui il se réconcilie pour un temps tout en lui reprochant de ne pas avoir beaucoup cherché à le retrouver; mais il faut dire qu’ayant une mère célèbre c’était plus facile pour lui. Il épouse Elvira une grecque d'origine anglaise dont il a deux enfants, Roza et Iannis.(à noter qu’il leur à donné comme cela se fait en Grèce le prénom des grands-parents) Mais Elvira le divorcera bientôt et déménagera en Amérique avec les enfants.
Paraschos se remarie à une femme très pieuse nommée Vassiliki, ensemble ils ont une fille Flora âgée de 50 ans aujourd'hui. Dans ses mémoires en 1972 Roza avouera son bonheur d'avoir un fils, une gentille belle-fille (de laquelle parle t-elle ?) et trois petits enfants. Paraschos mourra en 1984
La vie de Roza va prendre une toute autre tournure après sa rencontre en 1928 avec Panayotis Toundas.Elle nous raconte : « Je chantais et dansais au Tsitsifiés, ce soir là, une « boîte » en plein air, près du Pirée avec d'autres filles, Un soir Toundas, –un des meilleurs compositeurs de l'époque et directeur de la compagnie Odéon– était là et lorsque nous sommes descendues de l'estrade pour faire la quête, je suis passée à sa table. En lançant l'argent il m'a dit : « Où habites-tu ma fille? » Je lui ai répondu: « Tu en as de bonnes de vouloir savoir où j'habite? » Je ne savais pas qui il était et je croyais qu'il avait de mauvaises intentions à mon égard. Toundas s'est mis en colère et m'a dit : « Pourquoi tu me parles comme ça? » « Excusez-moi, Monsieur, » dis-je, « mais je ne vous connais pas, c'est pour ça que je vous ai parlé ainsi. » Enfin, Toundas m'a dit : « Je veux mettre ta jolie petite voix sur disque, je veux que tu chantes, moi dont c'est le métier je vais t'aider ! » Dès que j'ai entendu ça, je suis devenue comme folle, je sautais de joie à l'idée de faire un disque : je lui ai donné mon adresse. »
Le lendemain, Toundas arrive aux studios avec Semsis, dit le Salonikios ( il est de Salonique) le plus grand violoniste de smyrneïko de son temps.Il lui annonce qu'ils enregistreront un « Kalamatiano », elle se tourne paniquée vers Semsis « Je ne sais pas ce qu'est un Kalamatiano » Semsis la rassure : « Ce n'est pas grave, je t'apprendrai puis nous chanterons aussi un Tsamiko » Alors Roza se met à pleurer : « Je ne connais pas non plus le Tsamiko, je ne pourrais pas chanter ! » Roza enregistre pourtant son premier disque .Toumbakaris le directeur mythique de la Columbia est là, on est en septembre 1929 elle y chante: « Mantili kalamatiano » μαντιλι καλαματιανο (Mouchoir de Kalamata)et « kof tin Eleni tin elia » «Κόφ’την Ελένη την Ελιά» (Cueille l’olive à Hélène) ( un tsamiko : danse du Péloponnèse dansée, en chaîne, sur un rythme ternaire).Roza devient dès lors une des chanteuses fétiches de Toundas.
Pendant quinze ans, à partir de 1930 elle se produira avec un succès jamais démenti au Taygète une taverne de la rue Dorou à Athènes avec le trio Dimitri Semsis, Agapios Toumboulis et Lambros Léonaridis respectivement au violon, au oud et à la kemence .Avec eux elle fait aussi des tournées en Serbie, Egypte, Turquie et Albanie. Polyglotte, Roza chante aussi bien en grec, en turc, en Ladino (mélange d'espagnol et d'hébreu) et en arménien. Son répertoire ne se borne pas au rébètiko, elle interpréte aussi et surtout le smyrneïko, l'amané, le démotique, la chanson légère et, la chanson judéo-espagnole qu'elle contribua à faire connaître dans une tournée aux USA et dans un disque du 21 juillet 34 où elle chante aussi le fameux Canari qui deviendra un grand succès,une chanson inspirée d'un morceau turc appelé "Bul Bul" et adaptée par Semsis.
Dans les années 36-37 Tsitsanis qui est alors soldat vient d’enregistrer à la Columbia.sa virtuosité au bouzouki impressionne Toundas qui parle à Roza de cet instrument qu’elle ne connait pas vraiment et qui va devenir l’instrument emblématique du rébètiko grâce à Métaxas qui dirige le pays à l’époque et pense que les violons, santouris, ouds et kanouns de la chanson de Smyrne sonnent trop oriental pas assez grec. Roza jusque là a surtout chanté accompagné par ces instruments traditionnels. Tsitsanis de son côté qui a entendu parler de la fameuse Roza est impatient de l’entendre.il va l’écouter Taygète où elle se produit à l’époque et demande à la rencontrer. Elle l’invite chez elle – cette visite doit la marquer car elle se rappelle encore dans ses mémoires qu’elle lui a cuisiné des haricots ! Ils ne travailleront jamais vraiment ensemble mais se croiseront sur scène pendant des tournées comme à Constantinople où Roza se souvient combien les gens riaient en écoutant le nom Tsitsanis qui signifie souris (voire biceps)en turc .
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Roza Eskenazi est restée à Athènes où avec son fils Paraschos, elle a même ouvert un restaurant-club, rue Chateaubriand le Krystal, en 1942.Cette même année elle fait connaissance de sa future belle fille Elvira qui a 15 ans à peine. Grâce à elle,Paraschos peut offrir à Elvira une bague de fiançailles dont le diamant est aussi gros qu’une noix. Roza chante aux noces de son fils ainsi que Sophia Vembo et d’autres chanteurs de rébétika. Elvira âgée aujourd’hui de 85 ans se rappelle devant le micro de Roy Sher que Roza était rousse aux grands yeux verts qu’elle se maquillait avec du Khol et qu’elle avait beaucoup de charme. Elle se souvient de la mère de Roza, Flora qui avait alors 95 ans et qu’elle promenait dans Athènes. Elle mentionne qu’à cette époque Roza travaillait à Solon au Sereia et qu’elle avait un chien, un berger belge qui lui faisait le marché comme l’aurait fait un humain.Toute la famille habite rue Xouthiou près d’Omonia dans une pension parce qu’ils ne trouvent pas de maisons à louer.Elle se rappelle aussi combien Roza à pris son parti au moment de son divorce avec Paraschos mais également comment elle l’a exhortée à ne pas quitter son fils. Elle dit aussi qu’elle a été arrêtée et emprisonnée avec sa belle-mère à la fin de la guerre car les Allemands avaient compris que Roza les espionnait grâce à ses connaissances et rendait compte de leurs actions aux Anglais.Toutes les deux ont été sauvées par un officier grec Zigantes qui travaillait pour les Allemands et avait une histoire d'amour avec Roza qui a duré tout au long des années de l'occupation allemande."
Pendant la guerre Roza à aidé beaucoup de gens en difficulté en risquant sa propre vie. Il ne faut pas oublier qu'une juive riche et célèbre comme elle, pouvait représenter tout ce que les nazi haïssaient le plus. "En 1943, dit Roy Sher lorsque Eichmann est arrivé pour superviser la déportation des Juifs de Thessalonique et d'Athènes, une époque vraiment terrible a commencé. Cependant les Juifs d'Athènes ont réussi à se fondre dans la communauté grecque grâce à Damaskinos, archevêque d'Athènes, et Angelos Evert, le chef de la police d'Athènes, qui a émis de faux papiers pour les Israélites avec des noms grecs et les affidavits déclarant que les porteurs du document étaient des chrétiens orthodoxes. 1.000 juifs, dont Roza, ont reçu ces documents.
Roza ,son frère Nissim et sa famille ont trouvé refuge dans le même appartement qu’un autre juif Yitzhak Hazan encore vivant aujourd’hui. Après la guerre Nissim, émigrera en Israël à Holon où il est maintenant enterré. Sa petite fille Sarah Bejerano, vit là, mais ne sait pas grand-chose sur sa fameuse grand-tante Roza aux dires de Roy Sher.
En 1946 Roza enregistre deux rébétika de Marcos Vamvakaris en duo avec lui Καλόγερος ( Βαρέθηκα τις γκόμενες )(qu’il dit dans ses mémoires avoir écrit pour Rita Abatzi)
Καλόγερος
Βαρέθηκα τις γκόμενες
κοντεύω να τα χάσω
γι'αυτό και τ΄αποφάσισα
για να φορέσω ράσο
Όσα λεφτά οικονόμαγα
φράγκο δεν αποχτούσα
μαζί μ'αυτές τα χάλαγα
και ρέστος τριγυρνούσα
Μπελάδες και τραβήγματα
ξενύχτια φασαρίες
και ταχτικά τραβιόμουνα
και πλήρωνα αμαρτίες
Τώρα θ΄αλλάξω πια ζωή
δεν θα με λεν μπατίρη
και πάω για καλόγερος
σε κάποιο μοναστήρι
Moine
J’en ai marre des bonnes femmes
Je suis proche de perdre contenance
aussi j’ai résolu pour cela
de porter la soutane.
Tout ce que j’ai économisé
Un franc je n’ai pas devers moi
Avec celles-ci je me suis ruiné
Et suis redevenu sans le sous.
Soucis et ennuis
Nuits blanches pour des histoires
Régulièrement aussi je traîne
J’ai expié mes péchés
Maintenant je vais changer désormais de vie
On ne m’appellera plus « le fauché »
Car je vais devenir moine
Dans un monastère quelconque.
et Χρόνια στον Περαία ( Χρόνια μες στην Τρούμπα ) deux duo chez Odeon de Matsas.elle se produit aussi avec Vamvakaris et son frère cadet Argyros remarquable bouzoukiste qui fera une carrière aux USA.
En 1947 Roza rencontre lors d’un tour de chant à Patras son futur compagnon, un jeune gendarme en uniforme Chritos Philippakopoulos qui assiste à la représentation, Bien qu’il soit de 30ans son cadet ils tombent amoureux l’un de l’autre et resteront ensemble jusqu'à la mort de Roza. Elle travaille sans relâche. Elle enregistre avec tous les plus grands compositeurs de l'époque: Vamvakaris, Skarvélis, Asikis, Ogtontakis, Mikaïlidis, Papazoglou, Karipis, Gavalas, Péristèris, Giorgiadis, Mondanaris, Mitsaki, Chiotis. . Beaucoup m'ont aidée et j'en ai aidé beaucoup. »dit-elle dans ses mémoires.
Toundas m’a aidée à devenir la célèbre Roza.S’il n’avait pas été là je ne serais pas devenue Roza.Mais elle qui n’a jamais du entrer dans un établissement ou un théâtre pour demander du travail aidera à son tour de jeunes artistes.
Membre actif jusque dans les années 70, de la guilde des musiciens une association d’entraide mutuelle pour artistes sise à Agio Constantino, elle contribuera entr‘autre à la notoriété de Marika Ninou et de Stella Haskill deux jeunes chanteuse de rébètiko.
« La regrettée Ninou , dit elle dans ses mémoires c’est moi qui l’ai faite travailler. Elle venait travailler ici [à Athènes] après l’occupation et elle m’a entendu avec son mari .Elle faisait l’acrobate avec son fils [et son mari] dans un cirque. »
Je connaissais alors sa belle mère qui était arménienne, elle s’appelait Loutsika et elle m’a dit : « Tu ne prends pas Marika qui chante bien pour un boulot ? »
Je l’ai prise avec moi et je l’ai inscrite dans mon association et ensuite elle est allée travailler et elle a fait des disques à la Columbia où Chiotis l’a engagée. » Roza fait aussi connaitre Stella Haskill, une juive de Salonique qui en plus du rébétiko chante comme elle la chanson judeo-espagnole.
Bien que Roza ait effectué de nombreuses tournées à travers les Balkans, ce n'est qu'en octobre 1952 qu'elle commence sa première tournée aux Etats-Unis.Elle voyage sous le double nom Eshkenazi-Zardinidis et se déclare bizarrement apatride à la douane américaine. Là-bas elle est accueillie avec enthousiasme par la diaspora grecque et turque. Le voyage a été sponsorisé par le restaurant Parthénon à New York. Elle se produit à Chicago, à New-York et à Détroit, déplaçant des foules de spectateurs, réalisant des ventes record de disques. Là-bas elle rencontre Papaïoannou et Polly Panou qui se produisent dans d’autres cabarets qu’elle.
En 1955, l'imprésario albanais Ayden Leskoviku de la Société des Balkans Record l’invite à jouer et enregistrer à Istanbul, la ville où elle est née. Elle grave environ quarante chansons pour Leskoviku, et reçoit environ 5.000 dollars de royalties. Elle affirma plus tard que ses frais de performance et de conseil ont représenté dix fois ce montant.
De nos jours elle reste encore très populaire dans son pays natal, elle est considérée comme une chanteuse turque et ses disques sont en vente partout
En 1958 elle retourne en Amérique et décide de rester là-bas quelques temps. Mais pour obtenir les documents lui permettant de séjourner aux USA pendant une période prolongée, et d'obtenir un permis de travail, elle contracte un mariage blanc le 5 juillet 1958 avec un Américain du nom de Frank Alexander. Elle enregistre plusieurs disques et gagne une fois de plus beaucoup d'argent.Elle rentrera cependant en Grèce au bout d'un an et demi, pour y retrouver son grand amour le gendarme Phillippakis et passer avec lui le reste de son âge.
Elle achète une grande et belle maison à Kipoupoli (Péristeri une banlieue d'Athènes) Elle distribue de l'argent aux nécessiteux. En Grèce, Roza est devenue l'artiste la mieux payée de son époque et celle qui vend le plus de disques; Roza a enregistré plus de 500 chansons en Grèce et à l'étranger.En 1937 elle avait fait un enregistrement chez HMV à Constantinople pour lequel elle avait gagné 5000 dollars. Aux USA elle a gagné dix fois plus. Dans les clubs à Athènes elle touche 200 drachmes par soirée alors que la livre vaut 20 drachmes « J’ai toujours eu de l’argent, dit-elle dans ses mémoires, mais je l’ai dépensé en vêtements luxueux et en bijoux en or. Les vêtements luxueux et les bijoux de valeur me plaisaient et ça ma plait encore de les porter. De tant d’argent que j’ai gagné je n’en ai pas gardé beaucoup, parce que je n’ai pas beaucoup de tête .Parce que si j’avais de la tête, j’aurais une encore plus grande fortune. Et encore je n'ai pas à me plaindre, j'ai ma maison, mes voitures, mon confort, mes bijoux en or, j'ai tout ».
Un jour,au café des musiciens, Papaioannou et Xiotis deux grandes stars du rébètiko ont rencontré Roza et se sont mis à bavarder avec elle « Aimerais –tu être jeune, pour recommencer une carrière »lui lance Xiotis « Je voudrais être jeune lui répondit Roza mais d’autre part je n’aimerais pas car il se peut que je ne devienne pas de nouveau la fameuse Roza » Quelle plus belle preuve de réalisme voire de prophétisme car dans les années 60 le rébètiko va connaitre une éclipse.
Pour subsister, Roza achète avec Philippakopoulos deux camions et lance une petite entreprise de transport (Philippakopoulos conduit les camions ) ;cela lui assurera des revenus jusqu’à sa mort. Dans son vieil âge elle recevra même une pension du syndicat des chauffeurs de camion.
Mais Roza est isolée et coupée de la culture et de la musique qui se développe en Grèce à cette époque, plus personne ne se souvient d'elle; c'est d'ailleurs le cas pour la plupart des rébètes. Au milieu des années 60 elle enregistre pourtant chez RCA deux 45 tours avec des chansons qu’elle chantait dans les années 30.
Le dernier chapitre de la vie de la légendaire Roza Eskenazi est très triste.
Déjà en 1968, Philippakopoulos la trompe avec Voula ,une grecque d'Athènes,qu’il épousera après la mort de Roza. Roza ne saura jamais rien de cette liaison.
En 1977 elle commence à souffrir de la maladie d'Alzheimer. On peut la voir fouiller dans les poubelles non cause de la pauvreté, mais à cause de sa maladie. Elle se perd dans Athènes.Un jour Hatzidoulis, le journaliste qui s'était occupé du retour de Roza sur scène raconte qu'un jour, il a appelé le fils de Roza et lui dit que sa mère avait disparu depuis trois jours, et pourrait avoir été assassinée."Que voulez-vous que je fasse?" répondit le fils, tandis que sa femme lui hurlait de raccrocher.
Roza voit son fils de temps en temps mais n'a pas noué avec lui une relation vraiment affectueuse.
Dans les dernières années, Roza vit seule dans sa maison de Kipoupoli, entourée de dizaines de chiens et de chats errants qui dormaient dans les lits et les placards, comme s’en souvient Flora, sa petite fille.
Un écrivain de Thessalonique, féru de rébètiko, Dinos Christianopoulos dans Destins brisés –(Η Κάτο Βόλτα) nous raconte cet épisode de la vie de Roza et comment alors qu'elle souffrait d'Alzheimer, ses dernières années furent soulagées par ce gendarme de Corinthe qui avait été son admirateur. Dans les dernières années de Roza, Philippakopoulos est passé du statut d’amant à celui d’infirmier. En 1980 Roza tombe chez elle et se casse la hanche elle est hospitalisée 3 mois et Philippakopoulos s’occupe d’elle jour et nuit.Elle rentre à la maison mais attrape une infection et meurt le 2 décembre 1980.A sa mort les enfants de Philippakopoulos sont les seuls héritiers des biens de Roza. Jusqu’à présent malgré sa notoriété sa famille ne veut plus avoir à faire avec elle.Car certains, la considèrent encore comme une femme de mauvaise vie.
Philippakopoulos la fait enterrer à Stomio, dans son village, un endroit calme et pittoresque, sur le golfe de Corinthe, lui-même se fera enterrer dans une tombe à côté. Le grand rabbin d'Athènes voulait que le service funèbre soit celui d’une Juive Mais elle fut enterrée comme une chrétienne. Car au moment de l’inhumer, Christo Philippakopoulos a produit un certificat de baptême, et il s'est avéré alors que Roza Eskenazi, s’était (ou plutôt avait été convertie) au christianisme trois ans avant sa mort au moment où elle souffrait d'Alzheimer…
Quelqu'un qui avait tant donné de son talent au monde entier et avait été aimé par des gens de toutes nationalités, reposait sous un simple monticule de terre sans qu’aucun nom ne soit gravé sur sa tombe.
En 2008, 28 ans après la mort de Roza, lorsque le neveu de Phillipakopoulos a été nommé à la tête du comité culturel du village, il a finalement fait placer une pierre tombale avec le nom sur sa tombe, dans l'espoir d'attirer les touristes.
De toute façon, la vie de Roza tient autant de la légende que de la réalité, légende d’une star mythique dont la longue vie n'a aucunement fait pâlir l'étoile.
"Eskenazi est une icône culturelle, et je ne comprends pas pourquoi elle n'a pas pénétré le canon grec et pourquoi personne n’a préservé son répertoire musical. Elle ne reçoit pas la reconnaissance culturelle et historique qu'elle mérite en tant que musicien et artiste de la scène. Je ne parle pas de la personne d'Eskenazi en Grèce parce que vous entrez dans n'importe quel magasin et trouvez quelques-uns de ses disques, et c'est la même chose en Turquie. Sa voix poignante a une qualité particulièrement obsédante. La vulnérabilité de sa voix est communiquée directement à l'auditeur dans ses interprétations, une qualité qu'elle partageait avec Edith Piaf et Billie Holiday. Chaque fois qu’elle a chanté c’était un événement unique qui ne pouvait avoir eu lieu qu’au milieu de circonstances spécifiques culturelles, historiques et géographiques que j'essaie de montrer dans le film. Aucune voix n’est aussi puissante. Quand elle chante, on entend dans sa voix le mélange du turc, grec et le ladino, au milieu de toutes les influences et les cultures que cette femme incarnait. » Nous dit Roy Sher. En Janvier, il montré une version abrégée de 30 minutes de son film à la compétition de David Perlov documentaire commémoratif à la Cinémathèque de Tel Aviv, où il a été très bien accueilli. Roy Sher a également organisé un hommage musical marquant le 30e anniversaire de la mort de Roza Eskenazi, dans le cadre du 12ème Festival de la semaine du film à Salonique, dans lequel les musiciens en provenance d'Israël, de Grèce, de Turquie et d'Angleterre ont pris part. Il prévoit d'ajouter des images de cette performance à son film qui devrait sortir au printemps 2011.Dans le film c'est Yasmine Levy qui chante les chansons judéo-espagnoles que chantait Roza.
Libellés : rebetiko, Roza Eskenazi, smyrneïko