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Pour faire connaître le rebetiko , une musique grecque passionnée et passionnante , trop peu connue en France et qu'il ne faut surtout pas confondre avec le Sirtaki créé par Theodorakis pour le film "Zorba le grec"

14 décembre 2006

Le musée Vamvakaris à Syros


Si vos pérégrinations vous conduisent dans la très intéressante île de Syros dans les Cyclades,ne manquez pas au dessus d'Ermoupolis ,imposante capitale aux sols de marbre blanc , le quartier d'Ano Syros, la ville d'en haut, perchée au sommet de ruelles en escalier peintes à la chaux .
Là au détour d' une place en balcon sur la mer vous trouverez ,le buste de Markos Vamvakaris, le "Bach" des rébètes . Juste à coté , dans une petite maison qui aurait pu être sa maison natale,(il est né quelques rues plus loin) un petit musée lui est dédié.Vous y découvrirez pêle mêle dans des meubles lui ayant appartenus ,nombre de souvenirs émouvants du Maître:ses costumes,ses chaussures ,ses valises en carton, des lettres, papiers et objets personnels , des photos , des disques anciens ,son komboloï, son bouzouki, son baglamas,la gaïda (sorte de cornemuse) de son père,les couteaux dont il se servait lorsqu'il était écorcheur dans les abattoirs du Pirée etc...

le rébètiko :chant du cygne(1949-1960)

Les archontorébètes: déclin et chant du cygne

"Les années troublées de l'occupation allemande et de la guerre civile ont poussé au chômage ,au travail intermittent et à la sous-prolétarisation, de larges couches de populations urbaines et en conséquence ont enrichi la clientèle des rebetika avec des" ex-prolétaires" porteurs d'une mentalité nouvelle." La Grèce est un pays traumatisé, déstabilisé par la pression policière ,les déplacements de populations et les changements de vie, l'effondrement des valeurs sociales et morales de l'avant guerre ,une Grèce où l'on sait se taire ,mais aussi un pays désespéré …et l'on sait que les chants désespérés sont souvent les plus beaux .
En 1949 Manos Hadjidakis donne ses lettres de noblesse au rebetiko dans une conférence restée mémorable. Dans un réquisitoire enflammé où il déjoue toutes les objections à l'encontre de cette musique ,Hadjidakis,le compositeur des "Enfants du Pirée" demande à son auditoire de bourgeois effarouchés," Quel autre art à part le rebetiko, dans notre pays ,à cette époque peut se vanter d'avoir préservé le seul véritable héritage que nous possédons :l'Hellénisme? "
Et juste avant il avait même osé affirmer la ressemblance entre ces chansons de pauvres ères et la tragédie grecque antique:". basé comme la tragédie sur la clarté et la simplicité de la forme le rebetiko réussi à lier comme elle, dans une unité merveilleuse ,parole, musique et danse" Il conclu ensuite en s'exclamant: "Le Rebetiko est un chant authentiquement grec, uniquement grec !" puis il fait entendre au public un concert de Markos Vamvakaris avec son groupe et Sotiria Bellou chantant Vamvakaris Tsitsanis et Papaioannou, les représentants les plus significatifs de cette musique que le conférencier qualifie de folklorique moderne grecque.
50ans après dans un interview à Ismini Vlavianou Hadjidakis nous avoue" le rebetiko était opiniâtre et clandestin …,marqué par des créateurs originaux,…Moi récepteur sain de mon pays, écœuré par la conjoncture (musicale en Grèce), j'ai voulu une source authentique, comme la chanson rebetiko .Mes conférences en 1948 l'on fait connaître. ;Malheureusement ,dès son apparition ,elle a aussitôt perdu sa virginité. Mieux ,comme un poisson qu'on sort de l'eau pour le poser sur le sable, elle en est morte". "Vous ne pouviez le prévoir !"rétorque la journaliste et Hadjidakis de continuer:" l'ayant ou pas pressenti je me devais de mettre au jour le rebetiko .Un besoin de me situer quelque part et d'opposer à la micro-bourgeoisie athénienne quelque chose d 'authentique. Les musiciens ignoraient les poètes et vice-versa .Je suis ainsi le premier qui ait voulu rapprocher la musique de la peinture et de la poésie. Le rebetiko ,seule racine vivante eut permis cette jonction; seulement voilà ,aussitôt émergée des limbes, on lui a volé sa raison d'exister. Aujourd'hui ,il est dénaturé et toute chanson populaire s'en trouve affectée ,falsifiée, n'ayant de valeur qu'au nom d'une consommation touristique.
Effectivement dès les années 50 les rebetika élargissent leur public à la classe ouvrière puis dans les années 55-60 aux cercles snobs de la haute bourgeoisie athénienne qui vont s'encanailler dans les"bouzoukia", plusieurs rebetika de l'époque font allusion à ce phénomène en le fustigeant de manière ironique et grinçante. Tsitsanis appellent ces aristocrates de Kolonaki les" mangkes d'eau douce" qui en sont revenus du fox et du swing et retournent au Zeïbekiko. Pour lui ceci est
le fruit du temps qui fait retourner aux valeurs authentiques . Ils cassent les assiettes et lancent des pétales de fleurs à des prix prohibitifs pour montrer leur richesse et impressionner les demoiselles qui les accompagnent. Les médias s'emparent du genre, attirés par le gains . Des chansons rebetisantes ( Harchonto-rebetiko, skilariko, laïko,) font alors leur apparition ,versions abâtardies dont les stars s'appellent Kazantsidis ,Zambetas, et même Tsitsanis dont les dernières orchestrations ressemblent à du "disco"
Les Archontorebetes (millionnaires du rebetiko ),des virtuoses du bouzouki comme Chiotis qui veulent rivaliser avec la guitare électrique, électrifient leur instrument et lui ajoutent une quatrième corde .
Pendant les années de dictature militaire des colonels(1967- 74) Mikis Theodorakis découvre combien le rebetiko peut donner de la force à ceux qui le chantent dans les camps .Vamvakaris sera même plébiscité par les étudiants en pleine tourmente .Il meurt hélas comme Papaïoannou en 1972 ,deux ans avant le retour de son pays à la démocratie .En 1977 Skorélis publie son anthologie rebetique en 4volumes . Elias Petropoulos se risque à publier des ouvrages sulfureux sur le milieu des rebetes. Il est condamné pour cela à une peine de prison et doit s'enfuir à Paris où il finira ses jours après avoir consacré sa vie à l'étude du rebetiko .En 1979 il publie en grec chez "Nefeli" sa monumentale "bible" des "chansons rebetiques" qui reste jusqu'à aujourd'hui l'ouvrage de référence .
En 1983 Tsitsanis qui reste un des derniers grands rebetes vivants donne un concert présenté par Theodorakis devant une foule en délire. Un an plus tard, lorsqu'il décède, la Grèce lui fait des funérailles nationales. Le rebetiko a vécu! Le chant qui s'éteint collait si complètement au visage de la Grèce souffrante qu'il ne pouvait pas lui survivre ,"Pour écrire une telle musique disait Tsitsanis dans une interview de ? il faut souffrir ,il faut avoir faim. Aujourd'hui tout le monde a tout. Les disques sont produit industriellement. Alors pour enregistrer une chanson ça nous prenait un mois. Aujourd'hui ils en écrivent 10 par jour .Toutes ces facilités sont catastrophiques pour l'esprit, l'âme, l'imagination. Ils écrivent une chanson sur le pouce, ça devient un succès et le lendemain ils se remplissent les poches .Ils vont dans les "boites "et prennent un salaire que moi je ne gagnais pas en un mois. Le chanteur ne doit pas tout voir sous l'angle du profit s'il veut créer…. ." Les rebetes sont entrés dans le panthéon de la grécité ,dans presque toutes les chansons grecques flotte maintenant comme un parfum général de rebetiko; mais ce n'est plus du rebetiko, c'est du patrimoine De jeunes musiciens comme Babis Goles ou Nikolas Syros reprennent pieusement l'ancien répertoire pour nous restituer un rebetiko des plus pur ,le transmettant aux jeunes générations comme un véritable héritage. Des économistes, des sociologues ,des historiens se mettent à en faire l'autopsie ,sur internet des "chats" se déchaînent à son sujet ,les compositeurs actuels de musique classique et de variété s'en inspirent, car tous savent bien que cette musique a servi de vecteur d'unité retrouvée , un lien ,un fil rouge, dans une période difficile de l'histoire grecque .